Billet. Consultations du Président Félix  Tshisekedi, deux sens du pouvoir aux antipodes.

Billet. Consultations du Président Félix Tshisekedi, deux sens du pouvoir aux antipodes.

Par Cheik FITA

Bruxelles, le 21 novembre 2020

Débutées le 2 novembre 2020 avec le premier jour l’audience accordée au Président sortant de la CENI ainsi qu’au Cardinal Monsengwo, les consultations sur la crise politique actuelle, initiées par le Président congolais Félix Tshisekedi touchent à leur fin.

Quel en a été l’élément déclencheur ?

Que peut-on en retenir ?

Que peut-on en attendre ?

Les causes lointaines.

Le samedi 15 janvier 2011, le parlement congolais votait à la hussarde une  révision constitutionnelle faisant passer la présidentielle de deux tours à un tour.

A l’époque, était Président de l’assemblée nationale, Mr Evariste Boshab, et Premier Ministre Mr Adolphe Muzito.

Le message de cette révision constitutionnelle était très clair : Joseph Kabila Président à l’époque tenait à rester au pouvoir. Pourquoi ? Pour combien de temps ?

Des élections devaient être organisées fin 2016 à la fin du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila.

Le 20 décembre 2016, dernier jour du mandat présidentiel,  il n’y eut pas d’élections. Et Joseph Kabila restera au pouvoir au-delà du délai constitutionnel.

Mais  entre janvier 2015 et  cette date là, il y eut diverses tentatives sans succès, du régime Kabila de modifier la constitution afin que ce dernier puisse briguer un troisième mandat.

Passation de pouvoir.

Le 24 janvier 2019, après des élections chahutées, Joseph Kabila cédait le pouvoir à Félix Tshisekedi.

Près de deux ans après son accession au pouvoir et un an après l’expérience de gouvernement de coalition avec le FCC, la plateforme politique de Joseph Kabila, le Président Tshisekedi est devant une évidence : l’attelage FCC-CACH est bloqué. Impossible d’avancer.

Un hasard ?

Avant de partir, Joseph Kabila avait tout boutiqué et pipé les dés afin de rester incontournable : sénat, chambre basse, territoriale…

Tout ?

Presque tout.

Sauf une chose : les attentes du peuple. Quelque soit le dirigeant, le peuple a des attentes basiques par rapport au pouvoir et qui quand elles grondent, risquent de tout balayer sur son passage. Ces attentes se résument en une phrase : bien vivre en sécurité sur le sol de ses ancêtres.

Cela était-il possible avec l’attelage FCC-CACH ?

Non.

Des deux, qui bloquait ? Le  FCC. Comment ?

Plus dans les palabres pour chercher à maîtriser toutes les mannettes du pouvoir que la proposition d’impulsion d’actions gouvernementales en faveur du peuple !

Que faire ?

Après avoir consulté différentes catégories professionnelles et sociopolitiques du pays, Félix Tshisekedi a dû sûrement s’en rendre compte : le peuple veut vivre, et bien vivre.

Quelles pistes s’offrent au Président Tshisekedi ?

Deux.

  1. Lors de son message à la Nation, le discours du Président devra contenir obligatoirement en priorité, un projet de programme gouvernemental consensuel axé sur les attentes du peuple à savoir :
  • Une grande mobilisation des recettes par l’Etat et la lutte contre la fraude et le détournement des deniers publics,
  • L’attraction des investisseurs,
  • La création des emplois,
  • L’augmentation de la production nationale, surtout agricole,
  • L’investissement dans l’homme via l’enseignement, la santé,
  • La mobilité dans les grandes villes et entre les provinces,
  • La diminution du coût de la vie et le relèvement du niveau social de la population.
  • Et bien sûr le sempiternel problème de sécurité à l’Est qui doit obligatoirement trouver une solution urgente et radicale.

Programme consensuel parce qu’au-delà des divergences politiques, la seule et principale raison d’être des institutions et de leurs animateurs est : Servir le peuple.

  1. L’organisation des élections générales transparentes dans les délais constitutionnels avec obligatoirement le recensement de la population, la délivrance (enfin) d’une carte d’identité nationale.

Oui, l’accès au pouvoir ne doit désormais avoir lieu que via les urnes. Il importe d’améliorer cela.

Qui à la direction de la CENI ?

Si un consensus est trouvé afin de dépolitiser la CENI, et la rendre réellement indépendante et ce consensus devra être trouvé. Ceux qui s’y opposeront seront automatiquement   en porte-à-faux avec le peuple.

Ce consensus entrainera et facilitera la mise en place des dirigeants de la CENI, et la planification du calendrier électoral ainsi que la mobilisation des fonds pour les élections

Quid de la cour constitutionnelle ?

Parmi les prétextes de Joseph Kabila dans le blocage actuel, il y a cette nomination des juges à la cour constitutionnelle. Joseph Kabila devra bien se rendre à l’évidence que depuis janvier 2019, ce n’est plus lui le Chef d’Etat congolais. Il doit cesser de réfléchir comme s’il était toujours Président. Il ne l’est plus. Il est donc superfétatoire pour  Joseph Kabila de penser à obliger l’actuel Président à se dédire par rapport à la nomination des juges de la cour constitutionnelle. Si d’aventure il y tenait, une procédure juridique existe. Mais il doit abandonner le bras-de-fer politique. Il a été défait, et cette défaite politique-là, Joseph Kabila devra bien accepter.

Haro sur le clivage Pro-Kabila-Anti-Kabila.

La crise politique actuelle est venue du clivage pro-Kabila-anti-Kabila. Et ce clivage inhibe les actions prioritaires au profit de la population et dessert le pays et le peuple. Il doit être mis en veilleuse.

Joseph Kabila pourrait-il rebondir un jour ?

Visiblement, Joseph Kabila ne veut pas « lâcher le morceau ». Joseph Kabila peut-il rebondir politiquement ?

En démocratie, on ne peut interdire à personne d’avoir des ambitions politiques. Néanmoins, pour le cas Joseph Kablia, certaines évidences s’imposent :

  1. Le mode d’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir et le mode d’accession de Joseph Kabila et de maintien au pouvoir sont diamétralement opposés. Si Joseph Kabila voudrait revenir un jour au pouvoir, ce n’est ni en voulant caporaliser la cour constitutionnelle, ni en cherchant à noyauter la CENI, ni en menaçant de mettre le feu à la baraque, mais c’est en ayant un projet de société auquel le peuple souverain pourrait adhérer. Est-ce le cas actuellement dans le modus opérande politique de Joseph Kabila ?  On est tenté de dire non.
  2. Les Kabilistes qui sont à différents niveaux du pouvoir en RD Congo devraient à leur tour comprendre qu’ils ont chacun une caboche et que le mode « mot d’ordre… » dans lequel ils fonctionnent est nuisible, anti-démocratique, sans avenir et les infantilise. Ce n’est pas à leur honneur.

Au fait, dans la logique des choses, le dauphin de Joseph Kabila à la dernière présidentielle ne devrait-il pas en principe devenir le chef de file politique du FCC ? Et « l’autorité morale » ne devrait-il pas rester qu’une autorité morale ! Qui ne serait consulté qu’après les cogitations et levée d’options de ses partisans ? … S’entêter dans la logique du « mot d’ordre »  n’est-ce pas un suicide politique ? Ceci n’est bien sûr valable que pour ceux  des kabilistes qui sont venus en politique par convictions, et non par bas calculs pour des gains financiers via la politique. Ceux qui n’ont pas de vision politique peuvent toujours attendre les mots d’ordre !

Sens du pouvoir

Le discours post-consultations du Président Tshisekedi devra donc trancher et montrer clairement la différence entre deux visions du pouvoir :

  • Celui du pouvoir pour rendre service à la Nation,
  • Et celui du pouvoir pour le pouvoir pour tirer des avantages.

Depuis janvier 2011 lors de la révision constitutionnelle à la hussarde pour une présidence à un seul tour, Joseph Kabila est-il sorti de ce deuxième schéma ?  Il n’y a aucun signal perceptible dans ce sens. A Joseph Kabila de prouver son éventuelle mutation.

Cet article vous a-t-il plus ? Partagez-le autour de vous. Il est aussi accessible sur le site : www.cheikfitanews.net 

A lire aussi :

http://www.cheikfitanews.net/2018/06/presidentielle-congolaise-a-un-tour-le-mea-culpa-d-adolphe-muzito-a-bruxelles.html

Présidentielle congolaise à un tour : le mea culpa d’Adolphe Muzito à Bruxelles

http://www.cheikfitanews.net/article-revision-constitutionnelle-lecture-de-paul-nsapu-la-cpi-en-filigrane-65627756.html

CATEGORIES
Share This

COMMENTS

Wordpress (0)
Disqus ( )